Le Géant de Provence
Il est omniprésent dès la sortie de Nîmes, à la fois discret sur l’horizon et provoquant, bien haut, bien pointu.
Chaque kilomètre m’en rapproche et pourtant il est encore si loin. C’est déjà un défi en soi que de le voir presque s’éloigner à chaque coup de pédale.
À Avignon on zoome pour se dire que ce n’est pas si loin
Depuis Monteux, clairement il reste de la distance, on zoome toujours.
Et puis petit à petit on arrive enfin tout proche mais il semble encore loin.






Plein d’entrain, 16h30 on attaque la montée. Chalet Reynard, première étape !
Mais loooool !!!! Mais comment je me suis surestimé et comment je l’ai sous-estimé !
17h je souris devant ces encouragements sur la route. Je suis déjà HS. Si peu en fait.
17h45 première grosse pause. J’ai dormi sur une table de camping. Je me réveille avec des crampes. Je n’en suis que là, j’ai fait, quoi, 5 km ?

Je repars en même temps qu’un jeune couple passe, ça a l’air dur pour eux aussi. Elle fait sa 12eme ascension, max max 25 ans, elle l’a déjà fait 3 fois dans une journée mais aujourd’hui ça ne monte pas.
De loin en loin je serai avec eux et un autre monsieur de 65 ans à la louche.
Je suis juste fracassé, plus aucune énergie, je ne fais plus de photo. Je refais une sieste sur une dalle en béton. J’espère juste être en haut avant la nuit maintenant.
Chaque coup de pédale est un enfer, chaque virage n’offre que souffrance car il n’y a pas de salut. Ça grimpe, tout le temps, sans arrêt, sans pause, 9 à 10 pourcent. Les premiers kilomètres sont un leurre, la pente moyenne est un mensonge. Quand on s’arrête on se demande si l’on va pouvoir donner le coup de pédale pour repartir.
Chalet Reynard. Cela devait être la première pause, c’est le questionnement. À droite je pars vers Sault et la suite du voyage, à gauche je monte, encore. La jeune fille se fait secourir en voiture, plus la force. Le vieux monsieur me rattrape, je sens qu’il a bien plus d’énergie que moi. On bavarde et il ne fait que oraliser la décision que j’ai déjà prise. Bien sûr que je vais continuer, bien sûr que je vais monter.
Et je repars.
La nuit tombe. 20h35, c’est sûr je ne verrai pas le coucher de soleil de là-haut mais je vois à nouveau le sommet.
21h00, la nuit est là.

Je me fais doubler par le monsieur pendant que je m’équipe car j’ai trois nouveaux compagnons : la nuit, le froid et le vent.

Et pas juste un petit vent, le vrai #pdvdfsm comme on l’aime ! Je sors les lumières d’appoint car je ne vais pas assez vite pour la dynamo, j’enfile le coupe vent et la chasuble et je repars, encore.
21h30 derniers virages, j’ai une tempête de vent de face, je ne peux plus pédaler, j’ai des crampes aux jambes que j’essaie de contrôler. Je décide de marcher, je vais plus vite.

J’arrive au sommet, je m’assois au pied des marches, je n’arrive pas à plier les jambes. Un virage. Je remonte sur le vélo, je pédale. Je pédale. Je tourne. Je donne un coup en plus, encore un.
22h05 je suis au sommet du Mont Ventoux.
En bas il faisait 35°C, il en fait 8 ou 9 en haut, un vent violent.
Je suis en haut.
Je m’assois sur les marches, je souffle, c’est la pleine lune, envie d’en profiter mais il fait nuit noire et froid.


Je colle mes stickers (il faut sauter !!). Je suis content. Je vais bien.
J’ai grimpé le Ventoux.
Avec un vélo de 40kg, après une très courte nuit dans le train, après 100km d’approche.
Oui, je suis content 😊
Et j’entame la descente. Pleine balle dans la nuit, tant de plaisir à dévaler cette pente si chèrement grimpée, Chalet Reynard, virage vers Sault et ça repars. Il faut pédaler face au vent même dans la descente, c’est tout de même plus facile.
Je m’éclate vraiment dans la descente, à travers les arbres, dans la nuit, seul au monde sur mon vélo.
Petit piège car il faut MONTER à Sault mais tout va bien et je m’installe pour la nuit.
Le lendemain le Géant est toujours là, on le regarde sous un autre angle, on le regarde s’éloigner.

Encore un virage, encore un autre col, il nous nargue : tu souffres moins sur ce col que hier avec moi, mais est-ce meilleur ?

Et puis un dernier regard en changeant de vallée, un dernier clin d’œil.

J’aimerai lui dire adieu tellement j’ai souffert.
Mais je sais très bien que ce n’est qu’un au revoir.
Petit ajout : j’ai deux nouveaux badges #statshunters 😊

@suricat rien qu'à te lire, je ressens presque ta souffrance pour grimper ce monstre ! Magnifique récit 🤩
@Sana @suricat Quelle aventure !💪 Bravo 👏
@suricat Excellent ! Merci.On est d'accord que les 40kg, c'est juste une façon de parler ?
@qsaone @suricat alors je vais le peser pour ne pas dire de bêtises, mais, un, j'ai moi même 15kg de tendresse en trop, et deux, j'ai tout mon équipement de voyage avec deux belles sacoches bien pleines, donc…
@Tacitus @suricat Ok. Pour avoir fait à plusieurs reprises des montées à 10% avec mon GSD (batterie à plat) taré à 40kg tout compris (batterie, sacoches, cadenas, …) je comprends que tu en ais bavé. C'est inhumain. 😬
@qsaone @suricat je vais le peser pour être sûr
@suricat note : y'a plein de photos sur le site
@suricat wow ! 😵💫 Bravo ! 🎈 Je suis admirative ! Tu peux être fier 🔥
@Chamolko @suricat merci beaucoup ❤️